Prix public : 35,00 €
Après un livre VIII attaquant le rôle moteur de l’analogie, puis la réplique donnée dans le livre suivant, voici donc venu le temps d’une reprise de la question : c’est le sujet du livre X, incontestablement le plus important de toute La langue latine. Les modernes, habitués à la structure dialectique thèse-antithèse-synthèse, attendraient, en guise de conclusion, une reprise équilibrée des deux points de vue. Est-ce ce qu’il faut lire ici ? Non, sans doute, et d’abord parce que Varron, dans ce troisième temps, ne concède cependant que fort peu aux arguments anomalistes, ce qui écarte l’idée d’une synthèse prenant à l’un et à l’autre camp de manière plus ou moins équilibrée. On a vu par ailleurs (cf. l’introduction au livre IX) que Varron a inversé l’ordre qui nous serait naturel, en présentant d’abord les arguments contre l’analogie. Alors qu’il comptait globalement s’y ranger, on aurait attendu en ouverture une défense de l’analogie, contrebattue, puis finalement enrichie dans le livre X ; au lieu de quoi, il donne deux livres consécutifs sur l’analogie, IX puis X. Sans doute respectait-il, ce faisant, la chronologie de la querelle, qui a vu les tenants de l’anomalie se positionner contre un discours en place, lequel réagit alors à leurs attaques ; mais cette disposition a aussi un intérêt stratégique. En effet, constituant sous une forme assez intuitive le fond général du tableau, l’analogie contestée par les anomalistes du livre VIII a été d’abord rétablie dans ses droits par les Alexandrins du livre IX. Il est alors loisible à Varron de reprendre la question pour développer une version plus riche et nuancée, et par là d’autant plus incontestable : la sienne. « Sur la question de savoir si, en ce qui concerne la dérivation des mots, l’enseignement de la langue devait suivre la ressemblance ou la dissemblance, beaucoup se sont interrogés, les personnes impliquées parlant d’analogie pour le principe qui se développe à partir de la ressemblance, et l’autre étant nommé anomalie. Sur cette question j’ai, dans un premier livre, développé les arguments selon lesquels on devait suivre pour guide la dissemblance et, dans un second, au contraire, les arguments en faveur d’une préférence à donner plutôt à la ressemblance. Mais puisque personne n’a présenté les bases de ces positions comme il convenait, et que leur organisation et leur consistance n’ont pas été explicitées, je vais moi-même 2 exposer les contours de la question. Je parlerai de quatre points touchés par la dérivation des mots : ce que c’est que le ressemblant et le dissemblable, ce que c’est que le principe appelé λόγος, ce qu’on entend par notre « proportionnalité », qu’ils disent ἀνὰ λόγον, et ce que c’est que l’usage. Une fois éclaircies, ces notions feront comprendre analogie et anomalie : leur origine, leur nature et leur modalité. » Varron, La langue latine. Tome VI. Livre X, Introduction : de la ressemblance a l’analogie